Une ruine
Samedi 25 février 2012. Nadège semblait émerveillée. Elle caressait les vieilles pierres, enlaça même un chêne, mangea des pissenlits quand j’eus raconté que les anciens les utilisaient en salade, buvait l’eau des ruisseaux bien que je l’en dissuadais en lui expliquant les pesticides et nitrates des champs de blé et tournesol. Et c’est après deux heures dans des sentiers sans avoir croisé le moindre humain mais aperçu trois biches et deux lapins, où ils nous pensaient égarés, qu’on est arrivé au panneau "À vendre." Amina l’aimait cette ruine. Elle aurait voulu l’acheter. Mais la banque refusait de lui prêter plus que le prix d’un billet d’avion. Dans six semaines, le 7 avril précisément, elle repartirait 14 jours à Addis-Abeba, je la maudissais plus ou moins en secret d’avoir modifié le planning prévu, simplement car ses vacances de prof ne correspondaient pas avec celles de son fils, cette année avec son père, là-bas, en Éthiopie, où elle m’avait promis de ne jamais retourner. Prof contractuelle car "naturellement" en avril 2010, elle s’était presque aussi lamentablement plantée au concours d’instit qu’en 2009.
« - Arrête avec ça, c’est de l’histoire ancienne, tu ne voudrais quand même pas que je reste six mois sans voir mon fils.
- Il revient. C’est prévu ainsi sur les papiers signés chez l’avocate, validés par le juge de votre divorce.
- Oui mais je travaillerai.
- Là-bas il sera en cours.
- Mais on aura les soirs, les week-ends.
- Comme ici !
- Mais quand je travaille je suis épuisée...
- Tandis que quand tu voyages, tu jubiles. »
Ça n’arrêtait pas, cette discussion mais elle partirait, elle avait payé le billet d’avion avec un emprunt (puisque son méchant amour avait refusé de les lui avancer, les 1500 euros, qu’il possédait pourtant) et elle me dégoûtait de nouveau... Je ne la soupçonnais pas de l’intention de m’y tromper, pas même d’essayer de revoir "amicalement" son Carlo mais la plaie se réouvrait... Comment pouvait-elle ne pas éprouver la moindre hantise à l’idée de remarcher là où... ? De l’histoire ancienne. Voulait-elle voir les yeux dans les yeux Sophie, la manière dont elle se comportait avec son cher fils ?
"Un Amour béton" publié par Stéphane Ternoise en mai 2013. Roman.
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